L’Intelligence Artificielle révolutionne les RH, elle va remplacer les recruteurs, et elle est totalement neutre… Vous y croyez ?
On entend tout et son contraire sur l’IA. Alors, pour démêler le vrai du faux dans cet article, Noota rencontre Indeed, à travers la plume d’Anaïs, pour explorer tous les mythes et réalités autour de l’IA dans le recrutement.
Et qui de mieux placé qu’Eric Gras, Head of Talent Intelligence, pour apporter un éclairage lucide ?
Fort de plus de 25 ans d’expérience et tombé très tôt dans la marmite RH comme il aime le préciser, Eric observe et décrypte depuis 7 ans les tendances du marché de l’emploi à partir des millions de données collectées chaque jour via Indeed.
Son terrain de jeu : le matching entre candidats et offres.
Sa mission : rendre l’IA plus utile, plus accessible… Et surtout, plus humaine.
Découvrez ici ce que l’IA change (vraiment) pour les recruteurs, les mythes les plus ancrés et leurs “débunkages”.
L’IA dans le recrutement : une révolution ou du déjà-vu ?
Il est tentant de croire que l’IA est une innovation.
Et c’est compréhensible. Avec l’arrivée des IA génératives, une sorte de fascination est née (voire d’inquiétude) vis-à-vis de l’intelligence artificielle.
Si vous pensez qu’il s’agit d’un tournant technologique sans précédent, sachez que dans le domaine du recrutement, l’IA n’a rien d’un nouveau venu. Elle opère déjà depuis plusieurs décennies, parfois dans l’ombre, intégrée aux outils du quotidien des recruteurs.
Elle est par ailleurs utilisée par Indeed sous différentes formes, et ce depuis sa création il y a 20 ans. Ce n’est pas un virage récent mais une colonne vertébrale de leur modèle.
Et oui ! Sans le savoir peut-être, en naviguant sur Indeed, vous vous servez de façon directe ou indirecte de l'intelligence artificielle, notamment du machine learning, du deep learning ou du LLM (Large Language Mode, un modèle d’intelligence artificielle entraîné sur d’énormes volumes de textes pour comprendre, générer et reformuler du langage naturel.)
Ce job board récolte effectivement l’équivalent de 300 To de données au quotidien, soit 20 fois la bibliothèque nationale de France, grâce à une activité à grande échelle (350 millions de visiteurs - 30 millions d’offres tout de même !) Et l’outil ne se contente pas d’analyser les CV. Il apprend du comportement des candidats (clics, scroll, temps passé, préférences géographiques, etc.), avec 320 points scrutés en continu.
L’objectif assumé d’Indeed est d’offrir une solution au service de l’humain, qui facilite et fiabilise les rencontres, tout en s’appuyant sur la technologie.
“On collecte énormément de data, ce qui nous permet de saisir à la fois l'aspect “comportement” des candidats d'un côté, et les comportements des recruteurs de l'autre. On détermine ainsi ce qui fonctionne ou pas, pour essayer de rapprocher ces 2 mondes qui ne parlent pas toujours le même langage.” Eric
La vraie nouveauté des dernières années pour l’IA réside davantage dans son accessibilité accrue via des outils comme ChatGPT ou Noota.
Là où autrefois, seuls les profils techniques étaient utilisateurs, l’IA est aujourd’hui grand public. Elle est devenue tangible, interactive et intégrable à toutes les étapes du recrutement, de la rédaction d’annonce à l’analyse de candidatures.
Autrement dit, l’IA n’est pas nouvelle… C’est son usage qui s’est démocratisé.
L’IA va remplacer les recruteurs… Ou pas !
Une étude menée par Indeed et Censuswide révèle que plus de 80 % des recruteurs interrogés utilisent déjà l’IA dans leurs pratiques. Mieux encore : plus de 70% de RH estiment qu’elle améliore leur productivité et 69 % affirment qu’elle leur octroie un focus sur ce qui compte le plus - les interactions humaines.
Et pourtant, en dépit de cette adoption massive, une croyance tenace persiste : celle que l’IA finira par remplacer les recruteurs.
Dans cette même étude, lorsque l’on demande aux professionnels RH et recrutement ce qui les inquiète le plus, 49 % répondent : l’effacement du jugement humain dans les décisions de recrutement.
Pire, plus de 30 % craignent que l’IA remplace certains postes.
“L’IA ne remplace pas les recruteurs, mais des tâches basiques et répétitives (screening, tri de CV, gestion des agendas, convocation à entretien, comptes rendus d’entretien) représentant jusqu’à 70 % du temps d'un recruteur !” Eric
L’enjeu est donc de devenir un recruteur “augmenté” en dégageant, grâce à l’IA, plus de disponibilité pour les entretiens, l’analyse qualitative et le relationnel. À terme, les recruteurs seront remplacés non pas par l’IA, mais par ceux qui savent l’utiliser, car l’IA ne saurait égaler l'intelligence émotionnelle et l'expertise humaine selon Eric.
Au final, l’IA ne transformerait-elle pas les métiers plus qu’elle ne les détruit ?
Elle vient modifier la nature des tâches effectuées, elle pousse à faire évoluer les compétences, sans éliminer les métiers en eux-mêmes.
Eric ouvre la comparaison avec les téléconseillers. Des chatbots ont été mis en place pour traiter les questions de premier niveau, ainsi, les conseillers peuvent se concentrer sur des missions plus complexes et à plus forte valeur ajoutée, devenant des "conseillers augmentés.
Petites entreprises, grands pouvoirs grâce à l’IA
Parmi les idées reçues qui circulent, seules les grandes structures pourraient se permettre d’investir dans l’intelligence artificielle. Sauf qu’il existe de nombreuses IA accessibles gratuitement ou à faible coût, y compris pour les TPE/PME.
Version gratuite de ChatGPT, ATS avec IA intégrée, assistants de rédaction d’annonces ou de messages, outils de matching, ou encore des solutions qui transforment vos échanges oraux en comptes rendus structurés à l’instar de Noota : une offre large et adaptable à tous les budgets.
Pour Eric, si l’IA n’implique pas nécessairement de gros moyens financiers, elle suppose en revanche une posture : celle du “test and learn”.
“Les PME et TPE sont souvent les plus agiles d’ailleurs. Elles testent, ajustent et avancent plus vite. L’important est d’expérimenter et mesurer l’impact réel sur la performance.” Eric
En somme, l’IA n’est pas un luxe. C’est un levier. Et il est à la portée de toutes les entreprises.
Automatiser, recruter, discriminer ?
L’IA est-elle neutre ?
Derrière son apparente objectivité, elle peut en réalité reproduire et même amplifier les biais humains. Eric insiste. L’intelligence artificielle n’est pas magique. Elle doit être entraînée, encadrée, supervisée.
Elle apprend à partir de comportements et de données existantes. Et s’ils sont biaisés, ses décisions le seront aussi. Une IA mal paramétrée peut alors discriminer involontairement.
L’OCDE, qui a un rôle d’analyse et de recommandations économiques et avec qui Indeed collabore régulièrement, le confirme à travers diverses études. Les femmes sont les premières victimes des biais algorithmiques s’ils ne sont pas corrigés.
“Le risque est de figer les pratiques historiques, tandis qu’une IA bien utilisée peut au contraire ouvrir le champ des possibles en recrutement. L’IA est une aide à la décision, pas un outil de prédiction infaillible.” Eric
Eric illustre ce propos avec un exemple parlant : les tests de personnalité. Leurs résultats dépendent fortement de l’état d’esprit du candidat au moment de l’assessment.
À compétences égales, prenons 2 profils. L’un est en poste, confiant, bien entouré ; l’autre vient de vivre un licenciement, cherche un emploi depuis quelques mois, dans un environnement incertain. Leur attitude face au test ne sera pas la même. Or, tous 2 ont potentiellement des chances similaires de réussir dans le poste visé.
C’est là que l’humain fait toute la différence : un interlocuteur attentif saura contextualiser l’évaluation, pendant que la machine, elle, reste aveugle aux nuances.
Quand l’intelligence humaine complète l’intelligence artificielle
Les mythes ont la peau dure dans le recrutement et l’IA n’y échappe pas.
À retenir : un bon recrutement ne repose pas simplement sur un score de matching, mais sur l’écoute, la compréhension fine des contextes et des personnalités.
Eric souligne cette subtilité avec un exemple concret du monde de l’intérim :
“Ce qui distingue un bon recruteur d’un autre en agence, c’est la connaissance de son terrain. Il sait à quel client adresser quel profil, non pas seulement sur le plan des compétences, mais parce qu’il anticipe la dynamique humaine : tel candidat, un peu sensible, aura besoin d’un manager bienveillant. Ce niveau de finesse relationnelle, aucun algorithme ne peut encore l’atteindre.”
L’IA nécessite de garder le contrôle. Tel un GPS, elle guide sur la base de ce qu’elle connaît, et c’est le recruteur qui tient le volant.
IA : quid de l’esprit critique ?
Les IA de matching agissent par suggestions, en s’appuyant sur l’historique de navigation, les comportements et les préférences. Un peu comme Netflix, qui vous propose des films en boucle d’après vos premiers choix…
C’est exactement ce qu’il faut éviter dans le recrutement. Car une IA qui s’appuie uniquement sur vos habitudes passées peut inconsciemment restreindre vos horizons : toujours les mêmes profils, les mêmes parcours, les mêmes réponses.
La clé bonus, selon Eric, c’est de challenger fréquemment l’outil :
- En testant plusieurs solutions sur un même type de poste,
- En comparant les résultats en termes de qualité et de diversité,
- En restant dans une logique ROIste : mesurer ce qui fonctionne, ce qui fait vraiment gagner du temps, ou ce qui élargit le spectre de talents rencontrés.
Le piège, pour conclure, vous l’aurez compris : c’est de s’enfermer dans un schéma biaisé de recrutement, comme on reste coincé dans une seule catégorie de films sur Netflix.
Vous voulez aller plus loin ? Retrouvez toutes nos ressources dédiées à l’IA pour les recruteurs.